Alerte de la BCE du coût de l’inaction climatique et finance durable

À l’approche de la COP26 qui s’ouvrira le 1er novembre 2021 à Glasgow, les appels à l’action se font toujours plus pressants. En déplacement à Milan mardi, Greta Thunberg rappelle une fois encore les promesses non-tenues des dirigeants du monde face au dérèglement climatique, dénonçant 30 ans de « bla bla ». Si les décideurs échouent à se saisir du problème et à entraîner les entreprises dans une transition positive, les menaces de chute du PIB produisent un effet certain, en particulier lorsque les chiffres sont calculés par la Banque centrale européenne (BCE). La principale institution monétaire de l’Union a publié le 22 septembre un rapport* dans lequel elle étudie l’impact du changement climatique. Sans nul doute, le coût de l’inaction se révèle largement supérieur à celui d’une réaction rapide.

Le rapport, fondé sur plus de quatre millions d’entreprises dans le monde et sur 1 600 banques de la zone euro, émet différents scénarios pour mesurer l’impact du changement climatique sur l’économie européenne. Les deux risques principaux sont le risque « physique », associé à la hausse de la fréquence et de l’amplitude des catastrophes naturelles, et le risque « de transition », lié au coût de la mise en place de politiques de réduction des émissions de CO₂, touchant particulièrement les industries fortement émettrices.

D’après les résultats obtenus, l’absence de politiques mènerait à une perte de 10% du PIB annuel à l’horizon 2100 – contre 2% dans le cas d’un scénario de transition. Le NGFS (Réseau des banques centrales et des superviseurs pour le verdissement du système financier) mis en place lors du sommet international sur le climat (One Planet Summit) de 2017 est encore plus alarmiste, considérant que la non-adoption des mesures requises entraînerait un impact du risque physique d’environ 25 % du PIB d’ici à 2100. L’intégration de l’environnement comme un facteur de risque représente ainsi une nouvelle étape dans la prise de conscience des enjeux climatiques par la BCE.

Dès lors, la non-action constitue également un risque financier. En tant que régulation, la BCE a un rôle central à jouer : la finance est un levier essentiel pour réorienter les investissements vers plus de positivité, c’est-à-dire une prise en compte des intérêts à long-terme. L’effort des différents plans de relance pour modifier les économies est une avancée, mais le système financier doit être reconsidéré en profondeur afin de s’adapter aux défis des décennies à venir.

Des initiatives émergent ainsi, notamment au niveau national. Paris Euro Place a par exemple créé la première coalition de grands gérants d’actifs et investisseurs institutionnels français pour promouvoir une transition juste vers les économies bas carbone, nommée « Finance For Tommorow ». Son levier principal est le lien avec les entreprises, incitant ces dernières à mettre en œuvre des stratégies environnementales plus ambitieuses et, finalement, parvenir à une finance durable.

Face au greenwashing, il convient en effet d’accompagner l’ensemble des acteurs économiques. Pour réorienter véritablement notre économie, les entreprises devront également repenser leur modèle. Afin d’apporter à ces organisation les clés pour se réinventer, l’Institut de l’Économie Positive propose une offre de conseil, fondée sur une triple durabilité, à la fois sociale, écologique et démocratique. En incluant toutes les parties prenantes, l’objectif est de pérenniser un nouveau modèle positif.

Par ailleurs, la régulation doit considérer la durabilité de manière effective. La pétition** lancée par Eva Sadoun s’appuie par exemple sur les chiffres du livret développement durable et solidaire. La cofondatrice de LITA estime que sur les 120 milliards d’euros déposés sur ce livret depuis 2007, seuls 16 ont été véritablement dédiés à la transition énergétique, et 21 aux logements sociaux. Or, si 100% des fonds avait été directement dirigé vers la transition écologique et sociale, alors 84 milliards d’euros supplémentaires auraient été disponible pour la transformation du pays.

Ainsi, l’implication des entreprises et de la finance est possible, mais surtout incontournable pour parvenir à une transition positive. En reconnaissant l’urgence de la transition, la BCE donne au message une nouvelle dimension, bienvenue à un mois de la COP26. Au cours de celle-ci, plus aucun acteur économique ne pourra ignorer les faits : la transition vers une économie positive est « une opportunité en or » pour ne pas subir les méfaits futurs du climat.

Brune Tavernier, Chargée de plaidoyer à l’Institut de l’Economie Positive

*Disponible à : https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/scpops/ecb.op281~05a7735b1c.en.pdf

**Disponible à : https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/stop-au-greenwashing-de-nos-livrets-d-epargne-892765.html