Dans la crise qui commence, agissant au-delà de leurs compétences, au plus près des citoyens, nos territoires ont démontré une grande agilité, qui leur a permis de répondre à de multiples défis.
Dépassant les frontières administratives, ils ont fait face à d’importants dysfonctionnements et pénuries et ont inventé des pratiques nouvelles. Ils ont organisé une réponse sociale, alimentaire, éducative, écologique, à cette crise, palliant souvent les dysfonctionnements de l’État et renforçant les relais de solidarité. Les Régions les plus durement touchées par la crise ont été d’une réactivité extrême en commandant des masques, organisant le transfert de certains patients pour faire face à la saturation des hôpitaux et débloquer rapidement des aides exceptionnelles aux acteurs économiques et associatifs par la création de fonds de soutiens dès le mois de mars et dépassant pour certaines le milliard d’euros. Des Départements ont été aussi à l’oeuvre avec les représentants locaux de l’État pour organiser la réponse sanitaire ou sociale en distribuant par exemple jusqu’à plusieurs milliers de repas pendant la période du confinement pour faire face à la précarité alimentaire. Des communes ont non seulement été en avance sur l’État, mais ont dû parfois répondre aux erreurs d’analyse et à l’hostilité de celui-ci.ciété plus positive.
Ces prouesses démontrent que les acteurs des territoires peuvent faire beaucoup plus, et beaucoup mieux, si on leur laisse la capacité d’agir sans remettre en cause les prérogatives de l’État dont la force est nécessaire à la République.
Il y a urgence car les défis de la transition positive des territoires sont nombreux. Au premier rang de ceux-ci, il nous faut repenser l’organisation des soins et le lien entre médecine de ville, campagne et l’hôpital public. La réduction des inégalités territoriales (sur la mobilité et les déserts médicaux notamment) est en ce sens primordiale pour la réduction plus large des inégalités sociales. Les personnes les plus précaires sont les plus exposées au virus et à ses conséquences économiques. À titre d’exemple, en Seine-Saint-Denis, le taux de surmortalité a atteint 134% durant le pic de la pandémie de Covid-19, entre le 1er mars et le 19 avril 2020, contre 99% pour les Parisiens.
Alors que la crise des gilets jaunes est encore dans tous les esprits, la crise de la Covid-19 rappelle l’impératif de lier la question climatique à celle de la justice sociale. La relance de l’activité économique doit être un moteur pour la réorientation des investissements vers la transition écologique, la création de nouveaux emplois et la soutenabilité de nos territoires. Sur l’ensemble de ces sujets, la contrainte doit laisser place à l’innovation et l’intelligence collective. Les collectivités, et l’ensemble des acteurs des territoires, associations et entreprises doivent y jouer un rôle majeur, au plus près des citoyens et des réalités locales pour un effet démultiplicateur.
Au moment où se prépare le prochain budget, et où se décident les conditions de la réponse du pays à la crise en cours, il est donc urgent de permettre enfin à nos collectivités locales de devenir des acteurs majeurs de la vie de ce pays. Il s’agit désormais de pérenniser les actions entreprises pour faire face à la première vague de la Covid-19 en donnant aux élus locaux les moyens de leurs actions et une plus grande marge de manoeuvre financière, après des années de baisse des dotations de l’État.
Face à cette réalité, nous demandons à l’Etat une décentralisation audacieuse pour faire face aux enjeux climatiques et sociaux. Cette décentralisation doit renforcer le rôle des pouvoirs publics locaux au coeur des problématiques par des clarifications administratives bienvenues et des ressources financières renouvelées.
Alors que le gouvernement a annoncé ce jeudi 3 septembre le détail de son plan de relance, prévoyant d’ores et déjà une baisse de 10 milliards des impôts de production, ressources clés des collectivités, nous attendons de l’État de véritables garanties de compensation. Jusqu’alors la charge de la commande publique a reposé lourdement sur les budgets des collectivités, soutien indispensable face à la crise, il est désormais indispensable que l’État en prenne sa part. Enfin, il est impératif de ne pas opposer le plan de relance de l’industrie à celui consacré à la transition écologique, deux revers d’une même médaille. Donner le pouvoir d’agir aux collectivités locales, c’est réformer d’urgence les compétences territoriales, prélude essentiel pour construire un futur positif.
Nous invitons tous les acteurs de ces territoires à se mobiliser pour cela et à venir construire ensemble cette réponse, lors du prochain LH Forum les 24 et 25 septembre 2020 au Havre.
Parmi les signataires : Pierre Aschieri (Maire de Mouans-Sartoux), Jacques Attali (Président de Positive Planet), François Barroin (Maire de Troyes, Président de l’AMF), Xavier Bertrand (Président de la région Hauts-de-France), Jean-Marie Bockel (Président de la délégation sénatoriale aux collectivités locales et à la décentralisation), Éric Piolle (Maire de Grenoble), Laurence Lemouzy (Directrice scientifique, Institut de la Gouvernance Territoriale et de la Décentralisation), David Lisnard (Maire de Cannes), Hervé Morin (Président de la région Normandie), Valérie Pécresse (Présidente de la région Ile de France), Jean Rottner (Président de la région Grand Est), Audrey Tcherkoff (Présidente Exécutive de Postive Planet), Stéphane Troussel (Président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis), Anne Vignot (Maire de Besançon).
L’article de Ouest France : https://www.ouest-france.fr/actualite-en-continu/tribune-des-territoires-renforces-pour-une-sortie-de-crise-positive-6966707