Covid-19 : quelles mesures pour adopter un modèle vertueux face à la crise globale ?
Une crise sans précédents
En l’espace de quelques semaines, le covid-19 a touché 190 pays dans le monde, et entrainé le décès de plus de 370 000 personnes. La vitesse de propagation du virus, accentuée par différents facteurs sanitaires, économiques et sociaux, a contraint de nombreux gouvernements à ordonner des mesures exceptionnelles. Au plus fort de l’épidémie, ce sont plus de 4 milliards de personnes qui étaient confinées, entrainant l’arrêt brutal de l’économie mondiale et faisant ressurgir le fossé des inégalités.
Si les comparaisons avec les précédentes crises du 20ème siècle ont été nombreuses, on retiendra néanmoins de cette crise sanitaire son caractère sans précédent, qui met en évidence les failles du modèle capitaliste dominant.
Né de la crise de la biodiversité, le virus a d’abord traduit la nécessité de repenser notre rapport à l’environnement, marqué par l’exploitation sans limites de nos ressources et l’interaction récurrente de l’homme avec la faune sauvage.
D’autre part, les facteurs d’aggravation de la pandémie ont témoigné de l’urgence d’un changement de paradigme de nos modèles de développement : la mondialisation, la densité de la population dans les villes, les inégalités en matière d’accès aux soins ont largement favorisé la propagation du virus. Mais surtout, les décennies de réformes hospitalières et d’économies financières ont profondément fragilisé le secteur de la santé, contribuant à l’engorgement des hôpitaux et illustrant l’incapacité de nos sociétés à anticiper les crises de grande ampleur.
Aujourd’hui, alors que l’Europe opère doucement un retour à la normale, la précaution reste de mise. Menace d’une récession historique, accentuation des inégalités, fragilisation de l’équilibre géopolitique ou encore hausse des émissions de CO2 liées à « l’effet rebond » de la consommation, les conséquences à long terme de l’épidémie pourraient s’avérer désastreuses si nous n’inversons pas la courbe rapidement.
« La crise que nous traversons donne plus que jamais sa raison d’être à l’économie positive. Elle nous montre qu’il est urgent de transformer notre modèle en profondeur. Nous ne pouvons plus tourner le dos aux enjeux du long terme. Nous devons favoriser une croissance responsable, durable et altruiste, respectueuse de l’environnement et au service de la société. L’économie positive est l’élément fondamental de réponse aux grandes crises que nous vivons aujourd’hui et le cœur de l’économie de demain », Jacques Attali.

Comment saisir l’opportunité de la crise pour un futur plus positif ?
En révélant les limites et les faiblesses de nos sociétés, la crise du covid-19 doit logiquement nous amener à une refonte globale de nos modèles de développement, articulés autour du rendement à court terme et de l’austérité budgétaire. Mais rappelons que par le passé, nombreuses sont les fois où les politiques de relance ont porté leurs fruits, menant finalement à un « retour à la normalité » et balayant au passage les résolutions vertueuses prises durant la crise.
À nous désormais d’exiger une rupture radicale avec le monde d’avant, pour façonner celui d’après en prenant en compte le long terme, la solidarité et l’intérêt des générations futures. Durant la crise, nombreuses sont les initiatives solidaires qui ont émergé, témoignant d’une véritable volonté citoyenne de démanteler l’idéologie du « chacun pour soi » pour œuvrer, ensemble, à la transition vers un monde plus positif. Aux côtés des Etats et parfois à contre-courant de ceux-ci, les collectivités et le secteur de l’ESS ont apporté un soutien précieux et essentiels. Idem du côté de certaines entreprises, qui ont su concrétiser leur discours RSE à travers des actions engagées. C’est le cas pour ne citer qu’eux du groupe Barrière, qui a offert plusieurs
milliers de repas aux Restos du Cœur, mais aussi du groupe Accor, qui a renoncé au paiement du dividende ses actionnaires pour créer un fonds de soutien à hauteur de 70 millions d’euros afin de financer différentes actions en lien avec les conséquences de la pandémie auprès de ses salariés et partenaires.
Autant d’initiatives qui démontrent l’importance d’une transition globale vers une économie positive, au niveau des citoyens, des entreprises, mais aussi des territoires et des nations. En 2017, l’Institut lançait une vaste consultation visant à recueillir les idées de plus de 50 000 citoyens pour bâtir un monde respectueux de l’environnement, améliorer les conditions de vie de tous, et mettre l’économie au service des générations futures. En sont ressorties 20 propositions, sélectionnées par une commission d’experts et présentées à l’occasion de l’édition 2018 du G20 à Buenos Aires. Dans le contexte actuel, alors que la crise sanitaire s’est avant tout révélée comme une crise sociale de grande ampleur, certaines des propositions s’avèrent plus essentielles que jamais :
- Garantir la sécurité alimentaire de toutes et de tous en soutenant les systèmes alimentaires locaux
- Garantir l’accès à tous les citoyens à des moyens thérapeutiques, aux médicaments génériques et aux vaccins
- Encourager la mise en place d’une couverture médicale universelle et de systèmes de sécurité nationaux pour donner à tous l’accès aux soins vitaux
- Offrir à chacun l’accès aux meilleures méthodes de diagnostic médical en améliorant les équipements, la formation du personnel et la recherche de nouveaux outils diagnostiques
- Doter les ONG de standards internationaux de performance et de transparence pour renforcer la confiance du public dans leurs actions
Au moment où la pandémie a largement bouleversé l’ordre de nos priorités, c’est aux décideurs mondiaux que revient désormais le devoir de porter des engagements concrets, et de les mettre en application.
Face à ce constat, l’Institut de l’Économie Positive s’est engagé à saisir l’opportunité de cette sortie de crise pour interpeller sur l’urgence d’agir, et accélérer la transition vers un futur au service de l’intérêt général. Dans la continuité des actions déjà réalisées depuis 2017, l’Institut lançait au mois de mai dernier un nouveau sondage citoyen auprès des citoyens du G20. L’objectif de ce dernier ? Faire émerger les principales attentes de chacun vis-à-vis du « monde d’après » encore à construire. Examinées par une commission d’experts, ces attentes seront par la suite affinées afin de donner lieu à une série de 5 recommandations concrètes, dévoilées à l’occasion du Global Positive Forum 2020, puis soumises aux leaders du G20 lors du prochain sommet de novembre.
Si la violence de la crise que nous traversons nous a mis face à l’insuffisance de nos modèles pour assurer la sécurité de tous, il est encore possible d’en tirer le meilleur, mais surtout d’en retenir les enseignements. C’est à nous tous que revient désormais le devoir d’éviter un « retour à la normalité », et de décider ensemble de quoi l’avenir sera fait.